Le "fantôme" William Colby, ancien patron de la CIA, raconté par son fils
AFP
Los Angeles - William Colby, ancien patron de la CIA et figure majeure du renseignement américain, fait l'objet d'un beau documentaire signé par son fils, qui tente de dresser, dans une quête aussi historique que personnelle, le portrait d'un homme secret entouré de mystères.

William Colby
Selon Carl Colby, M. Baker les avait liés aux commissions parlementaires Church et Pike, dans les années 70, assurant que William Colby avait dévoilé devant elles "les secrets de familles de la CIA et détruit la capacité des Etats-Unis à mener des activités clandestines".
"Il parlait de mon père!", s'exclame M. Colby dans un entretien accordé à l'AFP. Il décide alors de s'intéresser de plus près à sa carrière dans le renseignement, de ses premières missions, pendant la seconde guerre mondiale, jusqu'à son remplacement à la tête de la CIA par George Bush en 1976.
Carl Colby a mené des dizaines d'interviews d'anciens responsables politiques et diplomatiques et d'ex-membres de la CIA, et fouillé dans des milliers d'images d'archives pour dresser le portrait de son père.
Mais les plus précieux témoignages restent sans doute les entretiens menés avec sa mère Barbara, qui évoque sa vie aux cô tés d'un homme dont elle ignorait des pans entiers de la vie.
Elle raconte ainsi une histoire arrivée dans les années 50 à Rome, quand William Colby dirigeait les opérations clandestines de soutien aux partis anticommunistes. Lors d'une soirée au théâtre, Barbara Colby était allée saluer un couple avec qui ils avaient dîné la veille. Son mari l'avait pris à part et lui avait dit: "Chut, chut. Nous ne connaissons pas ces gens".
"Mais nous connaissions ces gens", dit-elle dans le documentaire. "C'était une époque où vraiment, je ne savais pas quel rô le nous devions jouer. Qui sommes-nous, ce soir ?".
Carl Colby explique que "le plus difficile a été de trouver l'équilibre entre l'histoire personnelle et historique. J'ai tout de suite compris qu'il fallait que je garde toujours (William) Colby dans l'histoire. C'est pourquoi je ne parle pas des lieux ou des événements dans lesquels il n'était pas impliqué, que ce soit Berlin ou la Baie des cochons" (Cuba), dit-il.
Sont en revanche largement évoqués ses activités en Asie, où il fut responsable d'une grande partie des opérations menées par la CIA pendant la Guerre du Vietnam, et notamment du très controversé programme Phoenix.
"Il semblait être enfermé dans une bulle (...) presque inconscient de la l'énorme frustration, colère et dégoût des gens en Europe et aux Etats-Unis", affirme Carl Colby.
Mais il sera aussi l'homme qui répondit avec une franchise inhabituelle aux questions des commissions parlementaires Church et Pike, qui réclamaient des comptes à la CIA après le scandale du Watergate. Une transparence qui lui vaudra bien des inimitiés aux sein du renseignement et précipitera sa chute.
"J'ai appris, en faisant ce documentaire, qu'il était avant tout un soldat", déclare Carl Colby. "Un soldat qui a accepté les plus difficiles et les plus sales missions du président (américain), jusqu'à ce qu'on lui demande de mentir au peuple américain. Mais il pensait que les gens avaient le droit de savoir".
Mais les zones d'ombre demeurent. En 1984, il divorce soudainement de Barbara pour vivre avec une autre femme, provoquant l'incompréhension de sa famille. "Je me suis dit: qui est cet homme ? Qu'est-ce que cela signifie? C'est comme essayer d'attraper un fantô me. Etions-nous juste une couverture, une façade?"